J’arrivais tôt à la galerie.
J’étais terrorisé par l’idée que le tout Paris me voit désormais comme un créateur, comme un artiste authentique. Un artiste qui s’expose à la FIAC ou dans d’autres lieux prestigieux du monde entier.
Tout ça en sculptant des bites.
Dans quelle étrange monde suis-je en train de débarquer, me demandais-je quand Alfredo sorti de son bureau pour m’accueillir.
« Tu es déjà là ? C’est merveilleux, je vais pouvoir te montrer tout le dispositif comme ça. Tu vois, on a fait des merveilles avec tes petits jouets. »
Nous étions passé dans la salle arrière de la galerie où était exposées mes œuvres. Seul un échantillon sobre était en vitrine sur la rue, un phallus de 1,30m en résine blanche laiteuse et brillante trônait sur un simple cube noir. Le même tirage habillé de paillettes dorées et placé sous un puissant projecteur telle une boule à facette lubrique, inondait d’étincelles la salle d’exposition.
J’avais du mal à croire ce que je voyais. Alfredo et ses acolytes avaient installés la collection en les regroupant par inspirations. Les phallus primitivistes dans un univers rouges, les anatomiques dans des vitrines blanches et les pop dicks sur des colonnes de tailles différentes.
Le plus précieux de tous, plaqué or et incrusté de pierres, avait son globe sécurisé.
Les sauts à champagne étaient garnis et les canapés et bouchées s’étalaient sur des trètaux couverts de nappe blanche impeccables.
Le spectacle pouvait commencer.
Nous nous installâmes dans le grand canapé bleu où je m’étais assis timidement lors de ma première visite et nous parlâmes de choses et d’autres, de mon regard toujours ébahi sur ce fol engouement, de nos histoires de cœurs et de cul comme si nous étions deux amis. Il était mon ami à n’en point douter. Je n’étais, à ce moment là, pas encore celui que je devais être.
A 19h30, les premiers invités apparurent. J’étais présenté systématiquement soit comme le Wharol des bites, soit comme le César des phallus, quelque fois comme Nicolas de St Phallus.
Évidemment.
La galerie était pleine de jolies femmes faisant des selfies avec mes bites en prenant qui des poses lascives, qui des moues mouillées, toute rivalisant de vulgarité. Les hommes n’étaient pas en reste, tout le gay Paris avait débarqué attiré comme des mouches par une bouse bien fraiche. Ils seraient sans doute les premiers acheteurs de mes œuvres et les pop-dicks leurs plaisaient beaucoup.
Tout ce beau monde se murgeait gentiment la gueule avant d’aller diner ou baiser à couille rabattue à la dernière sex party en vogue.
Mes œuvres étaient bien à leur place finalement et le tableau prenait sens.
Je circulais, ma flûte à la main, légèrement éméché, racontant à qui le demandait l’origine de mon obsession et le pourquoi de tout cela. Je racontais n’importe quoi, une histoire que j’avais élaborée pour l’occasion, du story telling formaté pour les journaliste et décliné dans le dossier de presse, dans la plaquette et le catalogue de l’exposition. Tout avait été marketé consciencieusement par Alfredo et son équipe.
Tout ou presque.
Ayant fini de débiter mon boniment à un joli petit pédé qui me mangeait des yeux, je me retourne. Il est là. Devant moi, souriant, un verre à la main. Beau.
Il me salue d’un « bonsoir » anodin. Je bredouille le même mot en retour sans me départir de ma stupéfaction.
« Que fais-tu ici ? »
« J’ai appris que l’expo ouvrait, je ne pouvais pas manquer ça, tu t’en doute bien. »
J’ai bu. Je suis sonné. Je vide ma flute au fond de mon gosier asséché.
« Mesdames et messieurs, chers amis, votre attention s’il vous plait ? »
Tous les yeux se tournent vers moi, les siens s’écarquillent, incrédules.
Je l’attrape par l’épaule chaleureusement et lance :
« Je tenais à vous présentez Ben.
Ben est une pute.
Non, je ne l’insulte pas. C’est comme ça que je l’ai rencontré, pour baiser avec moi moyennant 100€. Ce n’était pas cher, pas assez. J’aurai du me méfier.
Il aurait du se méfier. »